28 janvier 2022

AEFE : l’opérateur public

Conseil d’administration extraordinaire sur le Contrat d’objectifs et de moyens de l’AEFE (26 janvier 2022)

Conseil d'administration extraordinaire sur le Contrat d'objectifs et

Déclaration liminaire FSU (compte rendu du CA à la suite)

Les questions salariales sont au cœur des préoccupations de tous les personnels, qu’ils ou elles soient détachées ou en contrat local. La FSU a toujours porté des revendications spécifiques et elle continue de le faire à chaque instance ; nous demandons la transposition pour les personnels du réseau des primes issues du Grenelle de l’Éducation ; nous réitérons la demande de versement de la prime d’équipement informatique, aux détachés, mais aussi aux personnels de droit local ; nous insistons encore une fois sur le versement des indemnités statutaires des CPE, des Psy-EN et des directeurs d’école ; et enfin nous réclamons des montants d’ISVL adaptés au coût de la vie.

Aucune réponse n’a été jusqu’à présent donnée. Nos organisations syndicales ont donc déposé un nouveau préavis de grève pour demain, jeudi 27 janvier dans le cadre de l’appel interprofessionnel pour les salaires et pour l’emploi. La FSU appelle tous les personnels à se mobiliser pour faire entendre leurs revendications. A l’Agence, ce mouvement s’inscrit dans la droite ligne de la mobilisation massive, dans le réseau, de la semaine d’action de novembre dernier.

Au sujet du Contrat d’Objectifs et de Moyens, pour lequel nous sommes réunis, nous ne pouvons que répéter que le développement du réseau de l’enseignement français à l’étranger se fait, selon nous, au détriment du réseau historique (EGD et conventionnés). En effet, l’aide apportée aux établissements privés se fait en moyens humains de l’AEFE, en centrale et dans le réseau-formateurs, ou dans le cadre du budget, qui n’est pas suffisamment abondé. Pour nourrir la Centrale et les postes d’encadrement et de formateurs, l’Agence ferme ici et là des postes d’enseignement, des postes de titulaires. Nous assistons à une mise en concurrence déloyale entre les établissements de l’opérateur public et ces nouveaux établissements partenaires, qui n’ont pas les mêmes obligations ; les opérations immobilières des établissements AEFE sont parfois différées et parallèlement, un établissement, récemment homologué, récemment construit, flambant neuf, entrera en concurrence avec un des EGD.

Le développement du réseau se fait aussi au détriment des personnels.

A-t-on besoin de rappeler qu’en ce qui concerne les détachements, le Ministère de l’Education Nationale n’accorde pas la priorité aux établissements relevant de l’AEFE, ce qui conduit irrévocablement à des postes non pourvus au sein de notre réseau ?

A-t-on besoin de rappeler que le développement du réseau se heurte à cette politique du MENJS qui limite les détachements à 6 ans, fragilisant ainsi irrémédiablement les établissements dans les zones peu attractives, qui sont pourtant des établissements de notre réseau ? Pour le reste, les parents d’élèves sont sensibles à l’enseignement à la française avec des titulaires ; or, dans certains pays, des parents d’élèves commencent déjà à déplorer la diminution des titulaires.

Est-ce utile de dire à nouveau que des conventionnements temporaires ont lieu avec des créations de postes de résidents, alors que des Titulaires Non-Résidents attendent un poste et ne sont pas résidentialisés ? Nous regrettons et dénonçons la poursuite des suppressions de postes dans les établissements historiques.

Est-ce utile de dire enfin qu’il n’y a, pour les établissements partenaires, aucune obligation dans les critères d’homologation en matière de politique de ressources humaines, en matière de management, en matière de respect des instances de dialogue social ni même des instances des établissements ? Nous le voyons continuellement : la situation de nos collègues dans certains établissements est dramatique et le turn-over des détachés ou des titulaires en disponibilité est permanent.

Parlons maintenant des Instituts Régionaux de Formation. Le développement de ces structures pose de nombreuses questions en termes de budget notamment, mais également en termes de maintien de la formation continue, qui était, il faut le reconnaître, jusqu’à présent exemplaire. S’agit-il de créer une formation certifiante ? Cela risque alors de créer une nouvelle catégorie de personnels au regard de la France ou au contraire de créer un espoir dans ce sens qui ne sera pas suivi. L’Agence nous a d’ailleurs toujours assuré qu’il ne pouvait s’agir de formation initiale. Comment la France, du reste, peut-elle implanter des Instituts de formation dans un pays ? Cela ne peut que créer des difficultés dans certains pays qui pourraient considérer ceci comme une ingérence.

En somme, comment peut-on continuer de verser de l’argent public au privé alors que les établissements et les personnels relevant de l’AEFE sont dans des situations difficiles et qu’ils devraient pouvoir bénéficier de ce soutien de l’Etat français ?

Pour la FSU, la priorité est claire et évidente : nous ne souhaitons pas ce développement du réseau EFE mais bien la consolidation de l’opérateur public et du réseau AEFE qui assure réellement les missions de service public d’enseignement à l’étranger.

Déclaration FSU à télécharger





Compte rendu du CA

Ce CA délibère sur un point unique, le Contrat d’Objectifs et de Moyens (COM) 2021-2023, équivalent d’une feuille de route pour l’Agence pour 3 ans. La date est légèrement décalée (2021) compte tenu du contexte sanitaire notamment.

1) Point de situation générale du Directeur de l’AEFE

  • La situation sanitaire s’est de nouveau dégradée depuis la rentrée de janvier avec une forte croissance des fermetures d’établissement et des passages en enseignement à distance (EAD). Au 24 janvier, 83% des établissements sont en présentiel. A Madagascar, 14 établissements sont fermés en raison des conditions météorologiques.

    Les établissements qui fonctionnent en hybride sont passés de 12 à 26 depuis début janvier.

    La situation est particulièrement compliquée en Asie, au Maghreb et dans l’Océan Indien. En revanche, on constate une amélioration dans les zones Amérique (de 10% à 5% des établissements en distanciel).

    Le contexte général est toujours incertain, il reste impératif d’accompagner les établissements et les équipes. La lassitude est générale dans le réseau, elle pourrait faire baisser la vigilance sanitaire. Le Directeur rappelle que les risques restent importants, d’autant plus que des personnels n’ont pas reçu de 3e dose ou que certains ne sont pas vaccinés.

    La communication de l’AEFE en direction des communautés insiste pour que les protocoles soient discutés et adaptés aux situations.

    La DEOF a produit un nouveau protocole de continuité pédagogique qui rassemble l’ensemble des repères, des règles, des ressources pour l’EAD ou l’enseignement hybride. Ce protocole s’est enrichi des retours d’expérience des deux années passées. Il servira notamment pour les nouveaux personnels arrivés à la rentrée de septembre dans le réseau.

  • Le Directeur revient sur 3 situations particulières :

    Ethiopie  : La reprise s’est faite normalement début janvier. Tous les personnels sont présents dans l’établissement.

    Haïti  : Depuis août dernier, l’établissement fonctionnait en EAD en raison de l’insécurité. Fin novembre, le centre de crise du Quai d’Orsay a pris la décision de rapatrier tous les personnels résidents en France. Seuls le proviseur et le directeur sont restés sur place. La situation est difficile pour les familles. On dénombre 160 élèves en moins depuis septembre. L’Agence, en lien avec le MEAE, analyse les conditions pour planifier une réouverture avec les personnels de droit local comme à Addis Abeba en novembre. La sécurité de tous est la priorité.

    Burkina  : Suite au coup d’État, l’activité des établissements a été suspendue et l’EAD a été mis en place depuis le 24 janvier. Cette fermeture est confirmée jusqu’à la fin de la semaine (fin janvier).

    La FSU rappelle qu’une attention particulière doit être portée sur les difficultés supplémentaires engendrées par ces problèmes de sécurité notamment pour les personnels de droit local (PDL). Ces difficultés sont souvent d’ordre financier et doivent selon nous également être une priorité d’accompagnement des personnes de toutes les catégories.

    Le constat de lassitude générale représente bien un risque. La FSU insiste sur le dialogue social essentiel comme moyen de résolution des problèmes dans un contexte d’apprentissage difficile. L’équilibre tient à peu de choses. Quand les instances se tiennent, le dialogue est facilité pour l’ensemble de la communauté scolaire.

  • Accord Cadre MLF/AEFE

    Le 30 décembre dernier, le président de la MLF et le Directeur de l’AEFE ont signé un accord cadre MLF/AEFE pour une durée de 5 ans.

    Cet accord important confirme le soutien de l’AEFE à l’association : une aide de 13 millions d’euros pour les établissements conventionnés avec l’AEFE (5 au Liban, 1 en Ethiopie, 2 en Espagne) sous forme de personnels détachés AEFE (résidents, expatriés), la mise en place d’une compensation financière de siège à siège avec l’annulation de la PRR pour les établissements en difficulté (Liban, Ethiopie).

    Par ailleurs, tous les établissements affiliés à la MLF signeront une convention tripartite (établissement, MLF, AEFE) montrant qu’ils sont également partenaires AEFE.

    Les établissements en pleine responsabilité ou l’OSUI ne signent pas car l’accord de siège à siège les couvre totalement.

    Il existe une volonté partagée d’organiser le dialogue entre la MLF et l’AEFE notamment dans le domaine de la formation et la coopération avec des approches complémentaires.

2) Contrat d’objectifs et de moyens 2021-2023

Le Directeur général de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international au Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, présente le Contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2021-2023.

Il fait suite à celui de 2016-2018 prolongé une première fois en 2019 pour inclure les objectifs fixés par cap 2030 puis une seconde fois en 2020 en raison de la crise sanitaire.

C’est un outil de pilotage stratégique essentiel qui fixe les termes du contrat entre le MEAE et l’opérateur AEFE. Il engage les 2 parties : la tutelle accompagne et donne les moyens, et l’opérateur met tout en place pour atteindre les objectifs fixés.

Les 4 objectifs du COM sont présentés.

La FSU fait plusieurs remarques sur le contenu de ce COM dont voici quelques illustrations :

Dans le COM : « Sur la période 2018-2020, l’Agence a conduit un schéma d’emplois qui a entraîné la suppression de 512 postes. Pour les personnels expatriés, des missions d’encadrement et de conseil pédagogique leur sont systématiquement confiées. La mission limitée au seul enseignement a été supprimée. »

FSU : Comment concevoir un plan visant à multiplier par 2 le nombre d’élèves scolarisés à l’horizon 2030 en diminuant chaque année le nombre des personnels détachés dans le réseau ? La réalité depuis 2017, c’est environ une baisse de 20% des expatriés et de plus de 7% des personnels résidents. Où sont les moyens de cette ambition présidentielle ? L’AEFE, dite colonne vertébrale du réseau, en a une autre : ce sont ses personnels, en Centrale comme dans le réseau, qui lui permettent de bien fonctionner.

« L’homologation des établissements d’enseignement français à l’étranger délivrée par le MENJS, est la condition première d’appartenance au réseau. »

FSU : Les critères de cette homologation doivent être exigeants pour permettre de conserver l’excellence et l’ADN du réseau. Il convient donc que des critères de politique de ressources humaines soient intégrés afin que les personnels titulaires ou non titulaires voient leurs droits protégés et que les instances fonctionnent de manière régulière et règlementaire. Pour l’instant, nous ne pouvons que déconseiller aux personnels de l’Education Nationale de s’engager envers certains établissements peu respectueux de leurs personnels.

« Le premier atout sur lequel communiquer auprès des familles est le fonctionnement en réseau des établissements d’enseignement français à l’étranger. »

Ce réseau fonctionne grâce à l’unité de son niveau d’excellence quel que soit le lieu où se trouve l’établissement. On peut craindre cependant que des différences ne s’installent quand on voit le mode de fonctionnement de certains établissements partenaires notamment sur les questions de gestion RH ou de la tenue des instances. La question de l’obligation de la mise en place de structures de dialogue social se pose avec la plus grande acuité.

Accueillir tous les publics

Concernant les élèves à besoins particuliers, l’Agence a pris les choses en main notamment à travers l’aide à la scolarité mais la question de la formation des personnels reste le point faible. La FSU demande que cette prise en charge soit institutionnalisée et pas seulement une vitrine.

Dans ce domaine, les personnels estiment que, sur le terrain, les choses ne changent pas : pas de formation spécifique, pas de moyens horaires dégagés ou d’effectifs réduits, pas de personnels référents. Une frustration s’installe sur ce sujet.

La question des AVS (Auxiliaire de Vie Scolaire - AESH) ne trouve pas de réponse. Nous avions demandé que, dans certains pays précurseurs sur cette question comme le Maroc, la création d’un corps d’AVS formées avec une aide financière, mais notre demande est restée lettre morte.

« Par ailleurs, il n’y aura pas de développement de l’enseignement français à l’étranger sans investissement dans la formation des personnels, avec une attention prioritaire portée aux néo-recrutés sous contrat local. »

Ce développement de la formation à l’attention des néo-recrutés ne doit pas s’effectuer au détriment des personnels titulaires actuellement en poste.

« Dans certaines zones, ce dispositif pourra être complété par des formations diplômantes (de type DU ou master) permettant aux personnels de droit local une meilleure reconnaissance de leurs qualifications et une mobilité facilitée dans le réseau. »

Comment envisager une mobilité dans le réseau des personnels formés localement alors que cette mobilité n’existe plus pour les personnels titulaires ? On peut s’interroger également sur la concurrence instituée par la mise en place des Instituts régionaux de formation (IRF) avec les formations nationales des pays hôtes et sur l’éventuelle reconnaissance réciproque des diplômes acquis.

« Quant aux personnels de tous statuts, l’AEFE veillera à entretenir un dialogue social de qualité avec eux, au niveau central comme dans les EGD. »

FSU : Quels moyens seront mis en œuvre pour que ce dialogue social soit mis en place ? C’est un vœu pieux au regard du fonctionnement de nombreux établissements partenaires.

« Dans un environnement concurrentiel, en particulier autour des ressources humaines, un dialogue social régulier doit être assuré pour garantir l’attractivité du réseau de l’enseignement français vis-à-vis des systèmes concurrents. En ce qui concerne les personnels détachés, le renforcement de la mobilité des résidents fera l’objet d’une réflexiodétournées, y compris sur les régimes indemnitaires. »

La mobilité des personnels détachés se heurte aux difficultés de détachement liées à la politique mise en place par le MENJS et que dénonce la FSU. Nous rappelons une fois de plus le refus de l’Agence de verser certaines indemnités statutaires et revendiquées depuis de nombreuses années.

D’une manière générale, la FSU dénonce le processus de consultation sur ce COM 2021-2023. En effet, la FSU a été auditionnée sans avoir le texte. Ce qui, pour le moins, n’est pas très démocratique. Nous tenons à rappeler que nous ne sommes pas des sous-administrateurs !

Sur le fond, nous sommes opposés au développement tel qu’il est proposé et ce, pour plusieurs raisons notamment évoquées dans notre liminaire et nos interventions. Cette vision d’un grand réseau est totalement incantatoire et ne repose sur aucune réalité. Il s’agit clairement d’une volonté politique, depuis le début (avec l’annulation de crédit de 33M€ au printemps 2017). Cette volonté n’est pas réaliste car elle est sans réels moyens pour l’opérateur public qui, par ailleurs crée sa propre concurrence, ce qui engendrera fatalement de lourdes difficultés pour le réseau historique AEFE.

Sur le fond, c’est l’utilisation des moyens publics à des fins détournées qui pose question. Que restera-t-il de l’opérateur public ? En termes de moyens humains, en termes de budget, rien ou presque n’est prévu. La partie “moyens” de ce contrat d’objectifs est très insuffisante, comme l’ont d’ailleurs fait remarquer plusieurs membres du CA. Quant à la concurrence, elle est là, comme elle l’a toujours été, sauf que maintenant c’est l’Agence qui la crée et la soutient. Les établissements du réseau historique, EGD compris, auront du mal à survivre convenablement.

Vote sur le Contrat d’objectifs et de moyens de l’AEFE :
Contre : 5 (FSU, UNSA, CFDT, FCPE)
Abstention : 3 (Sénateurs Conway et Le Gleut, Fapee)
Pour : 18